Edito et présentation des invités
Timothée : Aujourd’hui, dans Qui l’eût cru, on va parler mobilité. Pas de voiture volante, pas de technologie futuriste, juste un sujet qu’on a un peu laissé de côté, la distance domicile–travail.
Elle a doublé en 20 ans pour atteindre aujourd’hui en moyenne 12 km, matin et soir. Les humains ne se sont jamais autant déplacés pour aller travailler.
Et le plus dingue dans tout ça ? Trois salariés sur dix pourraient pourtant travailler sur un site de leur entreprise plus proche de chez eux. Ce sont donc 12 km évitables matin et soir. Mais les entreprises ne s’y intéressent pas vraiment, c’est jugé trop complexe, sans obligation, avec un ROI parfois difficile à mesurer. Résultat : plus d’émissions carbone, plus de turnover, plus de stress et de fatigue.
Pourtant, des solutions existent déjà, comme 1kmapied, un outil qui utilise la data et la cartographie pour rapprocher les travailleurs de leur lieu de travail, sans changer de métier ni d’entreprise. Et ça, qui l’eût cru ?
Pour en parler, j’ai le plaisir d’accueillir Laure Wagner, cofondatrice de 1kmapied.
Et côté expertise terrain, j’accueille aussi celui pour qui le trajet domicile–travail ressemble à un slalom quotidien dans le métro parisien, Nicolas Bernard.
Alors, enfilez vos baskets et bonne écoute !
Parcours et fonctionnement de la solution
Timothée : Bienvenue Laure dans Qui l’eût cru. On parle souvent de transport, et on a parfois l’impression qu’on a déjà tout dit, tout testé. Mais quand on découvre ta solution, on se rend compte qu’en réalité, il reste encore beaucoup à faire et peut-être qu’on ne s’attaque pas toujours au bon sujet : la distance des trajets domicile–travail.
Avant d’entrer plus en détail dans ta solution, j’aimerais savoir, toi, comment en es-tu arrivée à créer 1kmapied ?
Laure : Alors, ça fait 18 ans que je travaille dans la mobilité durable : d’abord pour la Semaine européenne de la mobilité, au sein de la DGTM, puis 11 ans chez BlaBlaCar en tant que responsable communication. J’ai développé une vraie passion pour la décarbonation des déplacements.
Et à un moment donné, je me suis posé la question suivante :
Est-ce qu’on a vraiment le temps d’attendre que chaque automobiliste fasse, individuellement, tout un cheminement personnel pour changer de mode de transport ? Se mettre au vélo, passer aux transports en commun, covoiturer, acheter une voiture électrique…
Ou bien existe-t-il un autre levier, plus rapide et plus efficace ?
En creusant les chiffres de l’INSEE, du SDES, etc., j’ai réalisé quelque chose de frappant, la moitié des actifs français travaillent pour des employeurs multisites. Et je me suis dit qu’il y avait sûrement un potentiel énorme à explorer simplement en agissant sur la distance entre le domicile et le lieu de travail.
Timothée : Le petit fun fact, c’est que tu as été la première salariée de BlaBlaCar. Et justement, en travaillant chez BlaBlaCar, tu t’es rendu compte que l’un des enjeux clés pour décarboner les trajets domicile–travail, ce n’était peut-être pas seulement de changer de mode de transport, mais aussi et surtout de rapprocher les salariés de leur lieu de travail.

Laure : Exactement. Quand j’étais chez BlaBlaCar, j’ai notamment participé au lancement de BlaBlaCar Daily, l’application de covoiturage domicile–travail. Et là, je me suis aperçue d’un point essentiel. Je vais vous donner quelques chiffres clés prenez vos papiers et crayons !
Sur les trajets domicile–travail, 85% des émissions de CO₂ proviennent des trajets de plus de 10 km. Donc s’il n’y avait qu’un seul enjeu majeur à traiter, ce serait bien celui-là : les trajets longs, au-delà de 10 km. Et c’est là que le covoiturage joue un rôle important.
Mais en analysant les données, je me suis rendu compte d’un autre phénomène : beaucoup de personnes qui font plus de 10 km chaque matin pourraient accomplir exactement le même travail, dans la même entreprise, mais plus près de chez elles.
Par exemple, des salariés qui font de la mise en rayon dans le retail se déplacent parfois très loin alors qu’il existe un magasin de la même enseigne à quelques kilomètres de leur domicile.
Et c’est là que j’ai eu un déclic :
Le covoiturage leur permet certes de réduire leurs coûts sur de longs trajets, mais ces trajets restent fatigants, longs et contraignants.
« Alors qu’en les rapprochant simplement de leur lieu de travail en les affectant à un autre site de la même entreprise on réduit non seulement les émissions, mais aussi le temps de transport, la pénibilité et même la fatigue. C’est cette évidence-là qui m’a fait basculer vers la création de 1kmapied. »
Timothée : Et c’est là qu’on tombe sur ce chiffre qui, pour moi, est complètement dingue : un tiers des Français pourraient faire exactement le même job, dans la même entreprise, mais sur un site plus proche de chez eux. Parfois à moins de 2 km ! On pourrait réellement rapprocher les salariés de leur lieu de travail sans changer ni de métier ni d’employeur.
Alors, peut-être que je me trompe… Mais en moyenne, un trajet domicile–travail en France, c’est quoi ? Environ 13,5 km, non ?
Laure : Oui, c’est ça. Le trajet moyen des Français, tous modes confondus, c’est 13,3 km à l’aller. Et pour les automobilistes uniquement, on est plutôt autour de 15 km.
Nous, on a développé un outil qui modélise les trajets domicile–travail. Et quand on fait cet exercice chez les employeurs multisites et il y en a beaucoup on se rend compte que ce n’est absolument pas une niche. La moitié des actifs français travaillent pour des entreprises multisites : le retail, l’hôtellerie-restauration, le BTP, les services à la personne, les services aux entreprises, la sécurité, le ménage, les télécoms, etc.
Et en modélisant ces trajets, on s’est aperçu que 6salariés sur 10 au sein de ces grandes organisations pourraient faire exactement le même métier, dans la même entreprise, avec le même salaire, mais plus près de chez eux.
Autrement dit, une simple mutation interne suffirait à réduire considérablement leurs trajets quotidiens.
Vu que cela concerne la moitié des actifs, au final, cela représente environ 3 Français sur 10. Et c’est énorme.
Capsule Expert #1
Timothée : On va revenir en détail sur ce que tu proposes sur la solution. Avant, je voulais laisser la parole à Nicolas, qui l’eût cru justement qu’on n’avait jamais autant parcouru de kilomètres qu’aujourd’hui pour se rendre au travail chaque matin. Comment on en est arrivé là ?
Nicolas : Alors, comment on en est arrivé là ? Vaste question. Et là, n’hésite pas à me corriger ou à intervenir si tu le souhaites.
On part du constat qu’aujourd’hui, on est plutôt entre 13 et 15 kilomètres parcourus à l’aller pour se rendre au travail : 13 en multimodal, 15 en voiture c’est toi qui me le disais avant de commencer. En 1999, on était plutôt autour de 5 km pour aller au travail tous les matins.
Je pense qu’il y a énormément de choses qui ont évolué urbanistiquement et d’un point de vue sociétal. Le marché de l’emploi est de moins en moins localisé. Il y a une moins grande concentration sectorielle des bassins d’emploi dans les villes. On a une moindre concentration géographique des emplois dans les espaces urbains.
On a aussi des loyers, à certains endroits, de moins en moins accessibles, ce qui entraîne un étalement urbain de plus en plus important. C’est ce qu’on constate dans beaucoup de métropoles.
Il y a une nécessité, pour beaucoup de ménages peu aisés notamment dans des secteurs comme le retail ou des métiers où l’on pourrait considérer qu’il y a une interchangeabilité entre les postes de s’éloigner, carles loyers ne sont plus accessibles à mesure qu’on se rapproche de l’urbain ou du périurbain.
« Cela entraîne le fait qu’on a quasiment multiplié par trois la distance à parcourir pour venir au travail tous les jours. »
Timothée : Et que cette distance, malheureusement, se fait quand même en voiture.
Nicolas : Ça, évidemment, ça fait maintenant un certain nombre d’années qu’on constate que c’est devenu une norme, mais ça continue d’augmenter. 75% des trajets domicile-travail sont encore aujourd’hui réalisés en voiture, même pour les micro-déplacements.
Moi, je pense que c’est le chiffre qui me choque le plus, même si tu disais lors de l’introduction que ce sont peut-être les grands déplacements qui sont les plus importants.
Moi, ce qui me frappe, c’est que 70% des déplacements de moins de 2 km sont encore aujourd’hui réalisés en voiture pour des trajets domicile-travail, et 60% des déplacements de moins de 1 km. 1 km à pied, c’est 12 minutes si je ne dis pas de bêtises.
Donc, 60% de ces déplacements réalisés en voiture, c’est extrêmement, je trouve que c’est un chiffre qui me choque un peu, surtout quand on pense à tout ce que ça peut vouloir dire derrière en termes d’enjeux de santé publique. Je trouve ça assez important.
Puis il y a toute la dépendance des ménages à la voiture :le nombre de véhicules par foyer. Notamment, 36% des ménages ont deux voitures ou plus aujourd’hui, contre seulement 20% dans les années 90.
Il y a une vraie dépendance à la voiture, surtout dans les espaces ruraux et périurbains. Et l’aménagement du territoire est évidemment pensé en fonction de ça, et fait justement pour encourager les usagers à utiliser la voiture.
C’est ce que déplorent notamment beaucoup de structures situées en rural ou en périurbain, le manque de solutions de déplacement partagé ou de mobilité partagée, comme les transports en commun, qui soient adaptés à leurs besoins, que ce soit en termes d’horaires ou d’aménagements.
On pense au fait d’aller chercher les enfants, de passer à la crèche, de voir ses parents, etc. Ce sont toujours des contraintes ou des limites qu’on retrouve lorsqu’il s’agit de passer de la voiture aux transports en commun ou au transport partagé.
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Faciliter le passage à l’action
Timothée : Peut-être, Laure, aujourd’hui, face à ce constat qu’a dit Nicolas, qu’est-ce que tu proposes concrètement ?
Laure : Alors, concrètement, déjà, je vais rebondir. Merci pour toutes ces raisons qui expliquent l’éloignement. Je vais rajouter un chiffre d’histoire. C’est parti, petit cours d’histoire dans les années 60, c’est encore pire que le chiffre que tu as cité pour 1999. Dans les années 60, le trajet domicile-travail n’était que de 3 petits kilomètres à l’aller. Et maintenant, 13,3. Donc vraiment, on a pris 10 kilomètres en 60 ans.

Et effectivement, ce qui explique cela tu l’as cité c’est l’aménagement du territoire, l’essor de la voiture aussi, parce qu’il y a un chiffre très important : 25 minutes.
25 minutes, c’est le budget temps de transport. 25 minutes, pour le coup, c’est une constante. La distance a explosé, mais le temps de trajet, lui, est resté le même depuis quasiment 100 ans.
C’était d’abord 25 minutes à pied, 25 minutes à vélo, 25 minutes en tramway, 25minutes en Solex, 25 minutes en voiture, 25 minutes maintenant en SUV.
On s’est éloigné parce qu’on pouvait faire la même durée de trajet 25 minutes mais en partant de plus loin grâce à un véhicule plus rapide. Sauf que maintenant, on est coincé. Enfin, on pense qu’on est coincé avec cette distance éloignée.
Mais il y a une autre raison qui explique l’éloignement. Qu’est-ce qui s’est passé en 2000, juste après ton chiffre ? Internet.
Et cela fait 25 ans qu’on recrute en ligne, et les entreprises ont complètement perdu l’habitude d’informer les gens du quartier quand elles recrutent. N’importe qui, à 40, 50, 80 kilomètres, peut voir une annonce en ligne. Et ça aussi, c’est un gros facteur qui a conduit à recruter de plus en plus loin.
Alors qu’en réalité vu les chiffres qu’on a, nous on pourrait complètement réduire ces distances. Ce n’est pas impossible, c’est juste un manque d’information, de cohérence et d’organisation, tout simplement.
Notre logiciel, 1kmapied, permet de modéliser les trajets domicile-travail à partir du fichier du personnel, anonymisé ou non.
On respecte les contraintes RGPD et CNIL, vous pouvez nous confier votre fichier RH, il sera sécurisé.
On analyse les adresses de départ et d’arrivée, mais aussi les remboursements transports, les forfaits mobilités durables, les éventuels parkings vélo, parkings voiture, etc. Cela nous permet de savoir comment viennent les salariés sans faire d’enquête auprès d’eux.
Ça permet à l’équipe RSE d’avoir rapidement un état des lieux.
Sur cette base, on va sortir un chiffre qui intéresse particulièrement quand on fait son bilan carbone pour le Scope 3 :l’impact des trajets domicile–travail, mais aussi tout ce qui concerne les durées, les distances, le nombre de correspondances, etc.
Ce qui est intéressant, c’est qu’on va ensuite calculer comment réduire cet impact carbone.
On va regarder plusieurs leviers : Combien de salariés auraient un trajet crédible à vélo.
On est connecté à Géovélo, et on analyse en masse combien d’automobilistes ont un trajet adapté en termes de distance, de pourcentage de pistes cyclables, de topographie… Ce qui permet d’identifier une cible réaliste. Parfois, il n’y en a pas et il vaut mieux le savoir pour éviter des projets inutiles. Pareil pour les transports en commun, avec des critères pragmatiques. Pareil pour le covoiturage, en identifiant des axes, des équipes, des plages horaires cohérentes pour rendre les choses vraiment actionnables.
Ça, c’est le report modal : est-ce que certains peuvent changer de mode de transport ?
Mais le levier innovant et on est pionnier au monde sur cette innovation c’est notre algorithme qui calcule, à poste égal, s’il n’existe pas un site similaire de l’entreprise plus proche du domicile du salarié.
Exemple très concret, un salarié Lidl embauché initialement par France Travail, auquel on a dit : « Aujourd’hui, j’ai un poste à Lidl à 20 km de chez vous. » Il a donc été embauché à 20 km de chez lui.
Grâce à notre logiciel, les équipes RH de Lidl qui est un vrai client de 1kmapied peuvent identifier que, si l’on recrute sur le Lidl plus proche de ce salarié-là, on peut lui proposer un poste et lui faire gagner 37 minutes matin et soir.
On peut aussi identifier des échanges de postes, notre algorithme repère des permutations possibles à poste égal.
Avec ces informations, on peut faire du reclassement interne, du rapprochement, du recrutement, des switches… bref, rendre l’organisation beaucoup plus optimale.
Ce n’est pas juste un chiffre.
"On ne dit pas seulement : « 60% de vos salariés pourraient travailler plus près de chez eux ».
On est un logiciel RH qui permet réellement de l’organiser."
Timothée : Vous avez des résultats ? Qu’est-ce que vous pouvez communiquer ?
Laure : Alors, on a fait plus de 500rapprochements de domicile pour l’instant connus sur notre plateforme, mais je mets une limite à ça. On en a certainement fait beaucoup plus, parce qu’en fait, les RH viennent chez nous pour identifier qu’untel pourrait échanger avec untel, on envoie des messages, etc. Et une fois que c’est fait, tout le monde mauvais élève, peut-être qu’il faut qu’on simplifie ne revient pas sur le logiciel pour dire : « Ça y est, on a fait cette mobilité. »
Ce qui fait que, voilà, je sais qu’on en a plus de 500 qui sont officiellement enregistrés, mais en réalité, il y en a peut-être le double, le triple, qui ont été faits sans qu’on le sache.

Et ce Bongard, en plus, n’existe que depuis quelques mois, alors qu’on a plusieurs années d’ancienneté. Donc, au début, on n’a pas pu monitorer les rapprochements réalisés.
Mais bon, en tout cas, c’est un peu diesel, effectivement, parce que, pour être honnête, c’est très nouveau. C’est une innovation d’usage : personne ne faisait ça, ce n’était le poste de personne, c’était un impensé.
Et donc, non seulement il a fallu qu’on explique comment le logiciel fonctionne, mais surtout, on est arrivés et on a dû se greffer sur des process qui n’étaient pas du tout prévus pour. On a donc toute une conduite du changement à opérer pour que cela devienne un réflexe de proposer en interne un rapprochement à chaque fois qu’un poste se libère, avant de proposer en externe.
Nicolas : Je trouve ça passionnant, mais en même temps, je pense que je vois beaucoup, beaucoup les limites. Donc, j’ai plein de questions. Sur le cas Lidl, par exemple : on est sur un fonctionnement intégré ou franchisé chez Lidl ? Parce qu’il y a vraiment cette dimension, dans les grandes entreprises, où la responsabilité de l’employeur se retrouve très souvent au niveau du management intermédiaire. Et c’est hyper dur, pour tout le monde, d’organiser ces reclassements ou ces échanges de postes, parce que les postes ne sont jamais parfaitement égaux, que ce soit en termes de responsabilités ou d’attributions.
Donc c’est vrai que ça me rend très curieux de voir l’application. Je suis assez impressionné que ça marche et, en effet, je vois en quoi l’idée est révolutionnaire, parce que, sur plein de postes, on peut se dire qu’il y a de nombreux endroits où ce serait beaucoup plus pertinent d’être plus proche de chez soi, si l’option existe.
Laure : Il faut avoir en tête que 74% des actifs français sont des employés de terrain, qui n’ont pas d’ordinateur au travail. On n’est que 26% de Français à avoir pu bénéficier de télétravail depuis le Covid. Ça a été une vraie révolution du télétravail, mais uniquement pour les 26% dont le métier est compatible. La majorité des gens sont des employés de terrain qui font leur trajet 5 jours par semaine, et avec des salaires bien inférieurs. Là, on est en train de se parler, mais beaucoup des salariés de nos clients sont au SMIC.
Est-ce que les postes sont égaux ? Oui. En fait, dans ces grandes structures prenons par exemple Sodexo, avec qui on a mené une expérimentation qui pourrait peut-être s’étendre les cantiniers servent des assiettes à la cantine. Et c’est encore plus difficile pour eux d’être proactifs sur une demande de mobilité, puisqu’ils n’ont aucun moyen de savoir dans quel autre immeuble de leur quartier il y a une sous-traitance Sodexo.
Autant, à la limite, on pourrait dire : « Un salarié de Lidl voit bien qu’il y a un Lidl plus près de chez lui ou d’elle, donc il pourrait être proactif. »
Mais déjà, ça, c’est une croyance. En réalité, ils ne peuvent pas être proactifs parce que tout est très cadré : il faut un compte sur l’intranet, s’en souvenir, réussir à se connecter, ne pas souffrir de non-inclusion numérique. Ce n’est pas évident, même si l’on voit qu’il existe un site plus proche, de comprendre le process RH qui permet d’être muté et de réussir à le suivre dans une organisation corporate.
Alors que là, ce qu’on apporte, c’est que ce sont les RH qui peuvent avoir une approche proactive :
« Un poste s’est libéré près de chez toi, est-ce que ça t’intéresse ? »
Et cela peut se faire à l’oral, sans besoin de connexion. Et là, on a de grands « oui ».
Évidemment, à la marge, il peut y avoir des refus temporaires :
« Sachant que je travaillais là, je me suis organisée, j’ai ma mère en EHPAD à côté, la crèche, etc. Donc pourquoi pas, mais dans quelque temps. »
Mais sinon, non, c’est plutôt un gain de temps et de budget, donc c’est très apprécié.
Énormément d’organisations en réseau dans tous les milieux que j’ai cités : BTP, etc. Ne sont pas des franchisés. Les collectivités, par exemple, sont des organisations en réseau : les villes, les mairies gèrent les crèches, les écoles.
Il y a énormément d’agents dans les écoles, les cantines, l’entretien, qui pourraient faire le même job ailleurs.
Dans les départements aussi. Le saviez-vous ? Qui l’eût cru : le premier poste, lorsqu’on regarde qui travaille pour les départements, c’est agent d’entretien polyvalent dans les collèges et dans les autres sites gérés par le département.
Donc là aussi, on peut réaffecter.
Et dans les régions, pareil : c’est aussi une organisation multisite qui gère les lycées et d’autres lieux où, là encore, on pourrait réaffecter.
Il n’y a donc pas que dans le privé, il y a aussi un énorme potentiel dans le public.
Timothée : Et un frein majeur que, siles gens qui nous écoutent, tu aimerais lever pour utiliser davantage ton service, c’est quoi ?
Qu’est-ce qui freine le plus aujourd’hui ? Parce qu’on se dit : Mais alors, pourquoi vous ne le faites pas plus ?
Laure : Merci de m’inviter. Du coup, le frein majeur, c’est la méconnaissance du problème. C’est-à-dire que, par défaut, les organisations pensent que la vie est bien faite et que leurs salariés sont déjà sur le site le plus proche.
On m’a déjà répondu, lors d’une expérimentation : « Non mais on le fait surtout pour avoir… » parce que du coup, c’est un peu deux-en-un, notre logiciel : ils font leur modélisation pour le bilan carbone, et automatiquement, ça fait aussi ressortir le nombre de rapprochements possibles.
Je vous partage une petite anecdote : l’entreprise nous disait « Non mais nos salariés ne sont pas bêtes, on ne voit pas pourquoi ils ne seraient pas déjà sur le site le plus proche. »
"Boum, résultat : 73% de leurs salariés avaient un site de l’entreprise plus près de chez eux, et là, le gain était même supérieur à notre moyenne : 15km à l’aller."
En fait, non, c’est une croyance. Le problème est méconnu.
Et c’est là que j’ai compris qu’on était une innovation radicale : une innovation radicale, c’est quand le problème n’est pas compris et n’est même pas posé sur la table.
Nous, on a été les premiers à révéler ce chiffre, parce qu’on a eu l’idée de le modéliser. On y a cru, donc on est allés le chiffrer.
Le problème est méconnu, c’est le job de personne, il n’y a pas de ligne budgétaire dédiée, et il n’y a pas de process. Donc, du coup, il faut tout penser.
Timothée : J’avais un point que j’aurais aimé creuser c’est ce que vous faites avec les collectivités comment vous collaborer ? Parce que je crois que même vous financez des plans de mobilité entreprise de leur territoire. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Laure : Il y a plusieurs niveaux de partenariat avec les collectivités locales, les AOM Autorités Organisatrices de la Mobilité. Elles doivent elles-mêmes faire leur plan de mobilité «administration » pour leurs agents. Donc là, on va, pareil, faire la modélisation, le report modal, le covoiturage, etc., pour leurs agents.
Et on a aussi on a fait une livraison hier, je ne dirai pas à quelle collectivité mais typiquement, parmi leurs agents, 194 agents qui, s’ils étaient bien réaffectés à poste égal plus près de chez eux, pourraient aller travailler à pied.
Et 153 de plus pourraient aller travailler à vélo, alors qu’ils ne sont pas du tout à distance cyclable aujourd’hui.
Directement, dans cette ville, il pourrait donc y avoir 350 voitures en moins, juste en menant une action RH, et pas uniquement du report modal.
Ça, c’est le côté où l’on travaille pour les agents de la ville, de la collectivité.
Mais ensuite, il y a une autre manière de travailler : la ville veut être prescriptrice de la décarbonation de la mobilité sur son territoire et réduire le trafic automobile, bien sûr.
Donc elle va nous préacheter une dizaine de plans de mobilité employeurs et les offrir via un dispositif.
À Strasbourg, par exemple, ça s’appelle Optimix. Dans d’autres villes, ça va être Mobilité Employeur, Mobilé Pro, des choses comme ça.
Ils vont donc proposer aux entreprises de bénéficier d’un plan de mobilité employeur réalisé par nous, par 1kmapied.
Et l’avantage, c’est que nous, derrière, on va donner une vision globale du territoire à l’AOM, en agrégeant tous les trajets de tous ces employeurs.
Timothée : Le logiciel permet aussi de faire des plans de déplacement d’entreprise, mais version 2, quoi. Par rapport à ce qu’on peut trouver sur le marché, là, on arrive vraiment à actionner, à mettre en mouvement l’entreprise et les salariés sur une décarbonation de leurs trajets domicile–travail.
Laure : Exactement, on va même plus loin que la méthode OADEM, qui consiste juste à faire un diagnostic de l’existant et à mettre en place des actions, mais sans passer par la case que nous, on a développée. Parce qu’on est en 2025 et que ça peut se calculer maintenant: c’est de calculer réellement le potentiel de report modal.
Donc ça, c’est vraiment très innovant.
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Capsule Expert #2
Timothée : Je voulais redonner la parole à Nicolas, parce qu’il y a un autre chiffre qui m’a surpris : au-delà de 30 minutes de trajet, notre santé mentale commencerait déjà à décliner. Et franchement, j’aurais jamais cru.
Est-ce que tu peux un peu nous éclairer ? Je crois que tu as, en plus, des anecdotes à nous raconter : en tant que directeur du pôle PME, tu as arpenté la France quand même.
Nicolas : Pas mal. Oui, c’est une anecdote en plus plutôt récente. Je me suis retrouvé il y a assez peu de temps en déplacement en Indre-et-Loire, et j’étais à une heure de là où j’avais dormi. Donc j’ai dû me déplacer en voiture entre Poitiers et Issoudun-sur-Creuse exactement, pour la petite anecdote.
Il se trouve que sur le chemin et ça arrive assez régulièrement quand on va voir les entreprises qu’on accompagne on a besoin de prendre la voiture pour aller jusqu’à chez elles. Et donc là, la durée de déplacement était d’une heure et, on peut le constater… j’ai crevé sur le chemin. C’est surtout ça, l’anecdote principale. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé : j’ai crevé sur mon trajet domicile-travail, sur mon déplacement professionnel exactement.
Et ça m’a fait réfléchir, dans le cadre de la préparation de ce podcast. J’ai retrouvé une étude de Cambridge qui a amené un institut de recherche américain à rendre une analyse sur le trajet domicile-travail, sur une période de 30 minutes, et sur les conséquences que ça peut avoir sur la santé mentale.
Je pense que c’est extrêmement important de retenir que ce n’est pas simplement pour des questions de décarbonation que c’est important de parler de ces sujets-là, mais aussi pour des raisons de santé publique. Au-delà d’une heure de trajet par jour, on augmente grandement à la fois le stress et l’anxiété que ça peut provoquer chez la personne qui conduit. On n’est jamais pleinement au repos quand on est en situation de déplacement en voiture : on est obligé d’être en vigilance constante.
Et ça, ça contribue à l’épuisement mental de beaucoup de personnes concernées.
C’est jusqu’à une semaine de productivité perdue par an pour les salariés qui ont un trajet long.
Ça peut augmenter l’absentéisme, réduire l’engagement, faire chuter la satisfaction professionnelle.
Un secteur qui n’est pas du tout exempt de ce sujet-là, c’est le secteur du bâtiment, qui revient très régulièrement sur les risques en matière de sécurité routière, parce que c’est souvent un milieu dans lequel il y a une nécessité de faire une grosse volumétrie de déplacements tous les jours. C’est d’ailleurs un des secteurs les plus proactifs sur le passage à la semaine de 4 jours, parce que ça réduit le nombre de déplacements dans la semaine, on passe à 4 jours de déplacement contre 5, et si on augmente un peules amplitudes horaires, on réduit aussi l’exposition au risque.
Dès qu’on dépasse la demi-heure de trajet, qu’on atteint 45 minutes ou une heure, on commence à atteindre des seuils critiques. Et au-delà de ça, évidemment, pour le portefeuille, c’est extrêmement désavantageux. Dès qu’on dépasse l’heure, on a très peu de gens qui acceptent le travail en question, parce que, surtout sur des métiers rémunérés au SMIC ou10% au-dessus, ce n’est pas possible de se permettre d’habiter aussi loin de son lieu de travail : ce n’est plus intéressant économiquement.
On s’engage !
Timothée : Tu as déjà eu une crise de nerfs au volant alors ?

Laure : Ah non, moi j’ai la chance de ne pas avoir de trajet domicile–travail. Mais je rajoute quelque chose de super intéressant : je n’ai plus le chiffre en tête, mais il existe une corrélation entre la durée du trajet et la propension à divorcer.
Et ce que nous disent les salariés qui ont été rapprochés quand on fait parfois des interviews c’est : « J’ai plus de temps en famille. »
On a d’ailleurs filmé une des personnes bénéficiaires de notre service, qui avait été rapprochée. On la voit chez elle, et elle dit : « Maintenant, j’ai le temps de cuisiner. »
Et on la voit en train de cuisiner : elle ne pouvait pas cuisiner avant, en fait.
Il y a aussi tout un enjeu de santé : cuisiner des produits frais plutôt que de mettre un truc surgelé au congélateur en rentrant. Mine de rien, cette demi-heure gagnée matin et soir change beaucoup de choses :la vie de famille, le temps pour faire du sport, pour les devoirs des enfants ou pour ne pas faire les devoirs des enfants mais surtout du temps libre.
Timothée : Rêvons un peu pour terminer. On se projette, je ne sais pas, dans 10–15 ans. Comment tu vois ton sujet ? Ce serait quoi, un peu, ton monde idéal ?
Laure : Nous, la vision d’entreprise, c’est vraiment de participer à la réduction systémique. Je voudrais voir les chiffres de l’INSEE baisser.
Cette distance moyenne française de 13,3 km à l’aller, je rêve qu’on fasse partie des acteurs qui la font descendre en dessous de 10 km.
Après, on s’appelle 1 km à pied, c’est peut-être un peu ambitieux, mais c’est en opposition à 15 km en voiture aujourd’hui.
Si on pouvait passer à 10 km en voiture, puis 6 km à vélo, puis 3km à vélis. On parle des vélis, ces véhicules légers intermédiaires, plus sécurisés que les vélos, entre le vélo et la voiturette ça pourrait être très bien aussi pour les distances plus courtes, pour décarboner la mobilité.
Timothée : Quoi d’ailleurs tes projets à moyen terme ? Est-ce que tu peux nous dire comment vous allez vous développer ? Sur quoi en ce moment ?
Laure : Alors, c’est de continuer à réduire les distances des trajets des salariés français. On le fait déjà pas mal dans le retail. On est avec Lidl, Auchan, Carrefour, Point P.
Et on aimerait adresser tout ce qui est service à la personne et service aux entreprises, avec un enjeu fort : ce sont des salariés multisites.
C’est-à-dire que, dans la même journée, ils vont faire plusieurs sites. Et ça, pour l’instant, on ne savait pas le modéliser. Donc j’ai très envie d’aller là-dessus.
Et notamment avec de la primo-affectation.
C’est-à-dire que dans le BTP aussi, ils n’arrêtent pas de travailler sur des chantiers différents. Il y a sans arrêt un besoin de staffer un nouveau site client, un chantier gagné.
Donc, plutôt que de « réparer » l’existant, l’idée serait d’être tout de suite en amont des démarches de recrutement RH.
Et le graal, ce serait de pouvoir le faire avec France Travail.
Capsule Expert #3
Timothée : On pourra taguer dans le poste France Travail. Ça, un petit clin d’œil à Léa qui ouvra le podcast. On arrive à la fin déjà. On a déjà passé pas mal de temps. Juste un point, quelques mots pour ceux qui nous écoutent. C’est quoi un peu les deux, trois réflexes qu’on pourrait avoir pour réduire l’usage de notre voiture lorsqu’on va au travail ?
Nicolas : Je pense qu’il y a un gros sujet sur la mobilité qu’on a adressé, mais qui est la question de les réponses ne sont pas les mêmes entre la ruralité et la ville.
Je pense qu’en ville, il faut qu’on soit vigilant, notamment avec l’arrivée de sélections municipales l’année prochaine, et se dire qu’on aura des villes qui vont encourager les mobilités bas carbone et qui vont aider à la mise en place de moyens de locomotion décarbonés.
Le vélo, la marche à pied et les transports en commun sont des leviers extrêmement efficaces dans les espaces urbains.
Dans les espaces ruraux, on sait que c’est un sujet beaucoup plus difficile à adresser. On voit qu’aujourd’hui les solutions de mobilité collective ne sont pas encore assez développées, et je pense que le covoiturage à grande échelle reste quand même un bon levier à creuser.
On a parlé de BlaBlaCar Daily, n’hésitez pas à vous tourner vers ces solutions. Ce sont de super outils pour découvrir qui vit proche de chez vous et s’il n’y a pas quelqu’un avec qui vous pourriez faire votre trajet pour aller jusqu’à la ville d’à côté.
Avant de savoir si vous êtes en capacité de changer de travail, il y a parfois des gens qui vivent très près de chez vous et qui pourraient faire le trajet avec vous.
On découvre très régulièrement, quand on accompagne des entreprises, qu’il y a quelqu’un qui vit dans le même patelin, dans la rue perpendiculaire, et qui pourrait faire le trajet avec les mêmes horaires.
Ça arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le pense.
On s’inspire et on partage
Timothée : Des applis qui marchent mieux, peut-être, Laure ? Blablacar ?
Laure : Oui, BlaBlaCar Daily, c’est important, parce que c’est différent de BlaBlaCar tout court pour partir en week-end à 300 km en moyenne.
On met son lieu de travail, son lieu de domicile, et ça nous propose des gens qui font le même trajet au quotidien.
Timothée : Est-ce que tu aurais une autre bonne pratique individuelle qu’on pourrait partager ? Toi, tu as ta pratique que je trouve assez drôle.
Laure : Bon, après, nous, on vise vraiment une empreinte carbone minimum, minimum avec mon conjoint en famille. On vit en zone rurale avec une seule voiture, une Zoé, pour un foyer de quatre personnes.
Et du coup, quand il emmène les enfants à l’école et que moi, je dois aller à Paris dans le même temps, eh bien je fais du covoiturage le matin : une personne m’emmène coucou Lucia à la gare.
Et par contre, quand je rentre, comme je ne rentre jamais à la même heure et jamais les mêmes jours, je fais du stop en sortant de la gare Mâcon-Loché. Je commence à être un peu connue : je demande à la cantonade qui peut me ramener sur Cluny.
Et donc, ça me permet déjà de rencontrer des gens formidables et de ne pas avoir un deuxième véhicule.
Timothée : On pourrait demander à la gare de Mâcon une aire de stop Laure Wagner.
Laure : Oui, et pour tout le monde. Pour l’instant, on a un groupe WhatsApp avec les habitants de Cluny qui font le même trajet régulièrement, et ça marche très bien. Il faudrait que la SNCF fasse un partenariat avec BlaBlaCar pour que les gens, pendant une heure et demie, qui ont leur voiture à l’arrivée, publient leur trajet. Mais sinon, oui, le covoiturage, c’est le levier le plus important après les rapprochements. Je vous donne juste quatre derniers chiffres. On a analysé tellement de trajets partout en France via nos clients qu’on dispose aujourd’hui de la plus grosse base de données française pour comprendre les trajets domicile–travail. On a d’ailleurs diffusé un Observatoire du report modal.
Si, aujourd’hui, tous ceux qui pouvaient se mettre au vélo le faisaient parce qu’ils ont un trajet crédible, cela permettrait d’éviter 5%de CO₂. Si tous ceux qui ont un trajet crédible en transports en commun s’y mettaient réellement, on éviterait 16% de CO₂. Si tous ceux qui font un trajet de plus de 10 km se mettaient à covoiturer matin et soir avec une seule personne pas quatre, juste passer de 1 à 2 on éviterait 35% de CO₂ liés aux trajets domicile–travail en France. Et si tous ceux qui ont un site de leur entreprise plus près de chez eux étaient rapprochés par leur employeur, cela éviterait 38% de CO₂. La distance, c’est vraiment la clé de voûte de la mobilité durable : c’est le plus gros levier. Et ensuite, effectivement, vient le covoiturage.
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